Chapitre II Shaïm et les sites de rencontres
Un mois après ma rupture avec Stéphane, j’ai rencontré une sorte d’anti-gendre idéal, un mixe entre le Duc de « The big Lebowksi » et Baudelaire. Je vous laisse imaginer la combinaison. J’ai toujours juré, l’air profondément dégoûtée: « je n’irais jamais sur un site de rencontre, c’est trop sale ». Je dis également : « il ne faut pas coucher le premier soir ». Seulement, prise d’ennuie, je jetais juste un coup d’oeil sur un site connu. Puis, juste pour voir, je m’inscrivais. Et enfin, rentrais en contact quatre heures après avec « Shaïm275 », vingt huit ans et en quête d’amour. Il désir me rencontrer. Il n’aime pas perdre son temps. Sur sa photo, il ressemble à un barman d’Ibiza. J’hésite un quart de nano seconde avant de lui donner un point de chute. En trente minutes, je bâcle le brushing, enfile une jupe crayon noire et une chemise blanche H&M. Je fais très serveuse avec mes ballerines qui me font de grosses fesses mais tant pis. Blind date posé pour 21h00, en centre ville. Le lieu est bondé. Très bien pour une première rencontre avec un inconnu qui fantasme peut être à me transformer en Candie morte. Revenons à nos canassons. Shaïm est ponctuel. Il m’attend scrutant le paysage à la recherche d’une petite brune qui n’a pas voulu lui montrer sa photo. Shaïm est brun, bronzé et surtout très grand. Style électro chic, chaussures hors de prix et cheveux mi long parfaitement lisse. En le scrutant derrière une statue antique qui me montre ses fesses, je compose son numéro. « Salut, je suis là » dis je très gênée. Je fais un pas de côté pour me montrer et lui fais signe de la main. Vu sa tête, il est un peu déçu. Petit bise, échange de sourire et d’identité. Il est compositeur. Il dégage un truc à la fois mystérieux et sulfureux. On parle peux, on marche côte à côte le long du trottoir. On essaye d’échanger quelques banalités mais la sauce ne prend pas. Assis sur un banc, je lui demande de me raccompagner parce que « sa ne va pas fonctionner ». Ce type est trop parfait pour vouloir de moi. Devant mon appartement, il semble ne pas vouloir me quitter et me demande si on va se revoir. Surprise, je dis non …
Je rentre totalement dépitée, attrape dans mon frigo, un paquet de saucisses de Strasbourg et de la sauce cocktail. Je m’installe devant la télé, évidemment, le téléphone sonne. Super glamour, en t-shirt over size taché de bouffe, la bouche pleine, je répond. C’est Shaïm. Il me glisse dans le combiné « tu es super mignonne, j’ai très envie de te revoir, pas pour me marier, tu comprend ? ». Outrée je m’empresse de répliquer « Non, attend, heu… Je suis en bas de chez moi d’ici une demi heure ». Je raccroche. Ce comportement va à l’encontre de mes principes mais j’assume. Un one shot juste pour goûter mais le dernier. Arrivé chez lui, il m’attrape, m’embrasse, me caresse… Je suis allongée nue sur son lit. Personne ne m’avait fais l’amour comme ça, personne ne m’avait fait jouir tout court. Ensuite, prétextant un truc dans le genre mes potes vont débarquer, il me met littéralement à la porte. J’assumais un peu moins, le côté pile de la coucherie d’un soir. Je n’ai pas eu de nouvelles de lui pendant quinze jours. Je restais des soirées scotché sur mon PC dans l’espoir d’un mail. Je commençais à l’oublier quand en pleine nuit mon oreiller s’est mis à vibrer, ce n’était pas un tremblement de terre mais mon mobile glissé dans la taie. Je décroche mais c’est un message de Shaïm : « salut, je t’ai pas oublié mais je suis à fond en ce moment, je t’appel demain ». Super heureuse, je m’endors. J’ai revu Shaïm dans les même condition une trentaine de fois pendant six mois. En faite, l’effet « première rencontre » passé, je note que Shaïm n’est pas fait pour moi, ni pour personne d’autre d’ailleurs. Je ne rencontrais jamais ses amis, pas un mot sur sa famille. Notre relation n’évoluait pas en dehors de son appartement. Néanmoins, cette liaison finalement plutôt rigolote m’a fait comprendre que le prince charmant ne se cachait pas derrière n’importe quel crapaud. Un type qui dit « je ne veux que du sexe » ne veut que du sexe. C’est une chose que les femmes ne comprennent pas. En général, on entend « je ne veux pas m’engager » ce que l’on traduit par « je te veux toi, puisque je te fait l’amour ». Je savais que Shaïm allait finir par me fatiguer. On se voyait, on faisait l’amour en suivant l’ordre de tout bon scénario de film porno et ensuite, on parlait de lui ; son sujet de prédilection. Shaïm abusait de substances, que le poète à qui je le compare nomme « paradis artificielles » qui le poussaient à s’endormir ou à réciter les répliques apprissent par cœurs de son film favoris : Festen. Et puis, il était Shaïm. Instruit au point de déclamer du Sand et capable de me dire la seconde d’après d’un air sérieux, «George est l’amant de Chopin, c’est des Pédés, quoi »…Je n’ai pas dit que je voulais l’épouser non plus. Il n’y a jamais eu de fin à notre histoire.